Histoires de bêtes

Belle et Bête (Marcela Iacub)

Il s’agit-là du premier livre de Marcela Iacub que je lis. J’avais entendu parler de la controverse bien avant de lire quoi que ce soit de cette auteure. Marcela Iacub est une intellectuelle connue pour traiter principalement de sexualité et des femmes dans ses ouvrages, pour faire une émission de radio aux côtés de Laurent Ruquier, et surtout pour sa relation passée avec un homme politique très influent qui aurait presque pu devenir président (non, pas François Bayrou). Belle et Bête revient sur cette relation pour le moins tumultueuse.

C’est une sorte de manifeste pour la défense des « cochons », terme utilisé par l’auteure pour qualifier cet homme avec qui elle a entretenu une longue relation. Pas sûr que ça lui ait fait super plaisir, m’enfin… Elle décrit sa relation avec lui, ses impressions, ses ressentis et ses interprétations. C’est loin d’être un récit érotique au sens où on l’entend communément. C’est presque plus un essai sur la déviance et les désirs humains, ceux qui sont inavouables et refoulés.

Est-ce que j’ai aimé ? Je ne suis pas bien sûre… Ce n’est pas forcément la lecture la plus agréable qui soit, et surtout pas ce qu’on lit pour se vider la tête avec une belle histoire. Ce n’est pas le propos non plus. Ce n’est pas tellement l’histoire de l’auteure avec cet homme qui a un intérêt, mais plutôt ses points de vue et les idées qu’elle développe au fil des pages. Certains passages sont à mi-chemin entre les descriptions de Yann Moix dans Partouz et l’histoire de Dr Jekyll et Mr Hyde (de Robert Louis Stevenson). Je vous laisse libre d’interpréter ça comme vous voulez.

La Bête qui meurt (Philip Roth)

Si pour Belle et Bête, le titre est plutôt clair, entre la référence et les différents entendements possibles, ici c’est un peu moins le cas. Je ne peux vous dire ni l’origine, ni le pourquoi du titre, vous le découvrirez en lisant, mais il semblerait que les histoires de belles et les histoires de bêtes parlent toujours de relations (Belle du seigneur, La belle et le clochard…). Cette fois-ci, elle concerne un prof de littérature à l’université / ponte du monde culturel et une de ses anciennes élèves. Au fil du temps, il a pris pour habitude de faire du repérage parmi ses étudiantes pendant l’année, sans rien laisser paraître. Une fois les cours terminés, il donne chez lui une réception, et advienne que pourra. Puis il finit un jour par tomber sur cette étudiante-là, Consuela, fille d’émigrés Cubains, qui ne ressemble pas aux autres femmes qu’il a connu jusqu’alors.

Ce n’est pas vraiment une histoire d’amour, plutôt l’histoire de deux vies qui n’ont à priori rien en commun à part un intérêt pour les arts et quelques moments passés ensemble. A travers cette histoire, on lit surtout un traité sur le désir et le corps, la vieillesse, le temps qui passe, les relations, le couple, la révolution sexuelle… C’est très intéressant à lire, mais une nouvelle fois pas de fabuleuse épopée romanesque et romantique. C’était aussi le premier livre de Philip Roth que je lisais, et ça me donne envie d’en découvrir d’autres.

Deux livres

L’Etranger (Albert Camus)

Livre intéressant et particulier dont on ne présente plus l’auteur, aussi très connu pour son ouvrage La Peste. Le style est bref et simple, avec des phrases très courtes, presque enfantines. On découvre le personnage principal, Meursault, alors qu’il vient de perdre sa mère (« aujourd’hui, maman est morte »). On en apprend ensuite un peu plus sur sa vie, très simple, et sa façon de voir les choses, très simple aussi. Le narrateur n’est ni particulièrement attachant, ni vraiment antipathique. Il mène simplement sa vie sans débauche d’émotions et sans trop se poser de questions. Tout glisse sur lui. Puis arrive le drame dans cette existence modeste, et on accompagne Meursault à travers lui. Ça fait réfléchir, on a envie de le défendre puisqu’on a l’impression de le connaître, avant de se rendre compte que finalement pas tant que ça. Ce livre montre comment le plus insignifiant, le plus transparent, le plus inoffensif peut soudain prendre une dimension énorme inimaginable dix pages plus tôt. Intéressant à lire, ça fait réfléchir.

 

Partouz (Yann Moix)

J’avais déjà lu Anissa Corto du même auteur, et je dois dire que j’avais préféré. Partouz parle, si on schématise rapidement, du 11 septembre 2001TM, du terroriste qui était dans l’avion et de son non-amour de jeunesse (ou son amour unilatéral de jeunesse), et du narrateur qui découvre une boîte échangiste. Ce dernier est écrivain, un peu dérangé et s’appelle Jean-Baptiste Cousseau, alias Couscous (comme dans Podium, film sur le sosie de Claude François, réalisé par Yann Moix). Il profite donc de cette partouze pour rembobiner son expérience avec les femmes, qu’elles soient tangibles ou fantasmées (et plutôt fantasmées que tangibles). Tout transpire quelque chose d’un peu malsain, jusque dans le vocabulaire très cru choisi, répété et martelé par l’auteur. Il y a aussi énormément de réflexions affreuses sur les femmes exposées dans ce livre, et même si c’est un roman, une histoire, ça reste extrêmement désagréable à lire. Malgré tous ces aspects très dérangeants, Yann Moix écrit toujours comme Yann Moix et il a toujours un traitement des sujets évoqués très intéressant. En bref, j’adore toujours les réflexions et détournements de l’auteur, qui présente les choses à travers un prisme nouveau et passionnant chaque fois, mais ni le thème, ni la façon de le traiter, ni l’écriture volontairement très vulgaire ne sont trop faits pour moi. Je n’irais pas jusqu’à déconseiller ce livre, il est quand même intéressant, mais je ne le conseille pas non plus particulièrement.