Les voyages en train

Enfin en vacances, je cours me jeter dans le premier wagon qui croise ma route (après avoir quand même bien vérifié la destination, le numéro du train et ma place exacte à bord). Sept jours et cinq voyages en train. Sept si je pousse un peu et que je compte les changements. Quinze heures de voyage pour faire Paris – Cannes – Saint-Raphaël – Toulon – Saint-Raphaël – Paris – Nancy – Epinal. Aucune cohérence, c’est les vacances !

Les voyageurs

La SNCF vous souhaite un agréable voyage à bord de ce train, voyage que vous allez partager avec quelques centaines d’âmes. Après étude sociologique personnelle des voyageurs des trains, on constate qu’il semble se dessiner certains schémas.

  1. Les bébés / enfants bruyants.

Pour la tranquillité des passagers, veuillez mettre vos téléphones en silencieux et passer  vos appels depuis la plateforme. Pour la tranquillité des passagers, vous pouvez aussi mettre vos enfants en silencieux ou les envoyer jouer sur la plateforme. Il semblerait qu’à tout voyage en train corresponde un quota d’enfants par wagon, afin d’éviter un trop grand calme à bord.

  1. Le voyageur vraiment très gentil

C’est lui qui vous propose toujours spontanément son aide pour porter votre valise et parvenir à la caser au-dessus de votre siège pendant le voyage, pour la redescendre s’il voit que vous risquez le trauma crânien à vouloir vous débrouiller tout seul, et qui pousse même parfois la gentillesse après la descente du train. On rencontre aussi le grade inférieur, le voyageur gentil qui, s’il n’arpente pas les wagons à la recherche d’une victime à aider, ne rechigne jamais à prêter main forte si on le lui demande. Espèce protégée en voie de disparition.

  1. Celui qui est à votre place

Votre place près de la fenêtre, le plus souvent. Quand vous lui dites gentiment qu’il s’agit de votre siège, il se déplace le plus souvent juste à côté, sa vraie place, en pestant intérieurement contre vous (tout en veillant bien à ce que cela puisse se lire nettement sur son visage). On trouve aussi quelques cas de voyageurs innocents, qui se croient vraiment à leur place : « mais on n’est pas dans la voiture 8 ?? », et tout le wagon de répondre que non. Le pauvre s’excuse généralement platement, et part déloger un autre mal assis un wagon plus loin.

  1. Le voyageur sympa

Non, tout le monde n’est pas triste ou exécrable dans les trains. Il n’est pas rare de croiser le voyageur sympa, qui vous parle un peu et teste son humour dans le microcosme ferroviaire. C’est d’ailleurs souvent lui aussi, le voyageur gentil. Mais parfois, on tombe sur le voyageur trop, trop, vraiment trop sympa. C’est le bavard, souvent doté d’un potentiel comique circonscrit à sa propre personne, qui au début est à peu près cool, avant de rapidement se transformer en gros relou dont le seul objectif est de vous tenir la jambe le plus longtemps possible. Je soupçonne un concours national de gros lourds sur rails, à creuser.

  1. Le râleur

Attention, le râleur est capable à lui seul de vous plomber une ambiance en moins de trois minutes. Dans son wagon, rien ne va. Le jeune d’à côté écoute sa musique bien trop fort, le groupe de touristes brésiliens empêche tout le monde de dormir, il est côté couloir, le train s’arrête en pleine voie pendant on ne sait combien de temps… Attention à ne pas sous-estimer son pouvoir de nuisance.

Lecture d’été

Livre Puértolas

J’ai commencé il y a peu L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa, de Romain Puértolas. Le titre donne envie, et même si ce n’est pas la lecture du siècle (écriture et humour un peu faciles), ça reste très sympa pour se vider un peu la tête. C’est donc l’histoire d’un fakir au nom à coucher dehors venu spécialement d’Inde dans l’unique but d’acheter un tapis à clous dans un Ikéa de banlieue parisienne, celui de Thiais. Celui-là même que j’avais visité avant de raconter mon aventure ici. Contrairement à nous, lui décide et parvient à passer la nuit dans le magasin. Nous avions bien fait de nous méfier, car c’est apparemment comme ça que débutent des aventures rocambolesques. Ou peut-être juste quand on décide d’acheter un tapis de 15 000 clous rouge puma (que nous n’avons pas trouvé sur le catalogue, mais nous avons dû mal chercher). Je vous laisse découvrir par vous-même l’aventure de l’incroyable fakir, aventure qui vaut bien un aller-retour en Tvm, en ouvrant ce livre jaune vif que vous avez probablement déjà croisé en librairie.

Ce qui est presque le plus intéressant dans ce livre, c’est son auteur. Romain Puértolas, après avoir fait des études de Civilisation Espagnole, de Français Langue Etrangère, de Lettres et Civilisation Anglaises et de météorologie, est devenu tour à tour dresseur de poupées russes, DJ, compositeur, professeur de langues, traducteur-interprète, steward, voix pour méthode de langues, nettoyeur de machines à sous, chef avion, employé de navigation aérienne et lieutenant de police (selon sa biographie officielle tout du moins). Toujours selon sa biographie officielle, cet aventurier de la vie parlerait également six langues (avec plus ou moins de maîtrise) et aurait déménagé 31 fois en 38 ans d’existence terrestre. On a presque du mal à le croire. En plus de tout ça, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa, publié en 2013, est déjà le second livre de Romain Puértolas, après Le Jour où Shakespeare a inventé le moonwalk, publié en auto-édition en 2012. S’il n’a pas la plume aussi aiguisée que son CV est fourni, sa biographie est une source d’inspiration sans limite (et file des complexes aux glandeurs du dimanche). Allez faire un tour sur le site officiel.

Nicolas Bedos

Dans la dynastie Bedos, je voudrais le fils. Le célèbre Nicolas, fils du encore plus célèbre Guy Bedos, qui fait tellement de choses diverses qu’on ne sait même plus vraiment ce qu’il fait, mais qu’on voit tout le temps à la télé quand même. Né en 1980, Nicolas Bedos commence avec le théâtre, à la fois auteur, metteur en scène et parfois comédien. Il a par exemple écrit  les pièces Sortie de scène ou Promenade de santé. On le retrouve aussi au cinéma en tant qu’acteur (L’Amour dure trois ans, Amour et turbulence, L’Art de la fugue…) ou dans les boîtes parisiennes en compagnie de Frédéric Beigbeder, son ami / ex-ami / meilleur ennemi / re-un-peu-pote-mais fais-gaffe-quand-même (vous pouvez vous documenter sur Closer.fr). A part ça, Nicolas Bedos est aussi réputé pour être un homme à femmes (ce qui ne paye la plupart du temps pas le loyer) et un chroniqueur. On l’a régulièrement vu à la télé sur le plateau de Laurent Ruquier ou de Franz Olivier Giesbert mettre en scène son personnage de beau gosse mondain, un peu bobo et un peu tête à claque sur un thème d’actualité.

Journal d’un mythomane volume 1 & 2

Puisqu’il écrit apparemment lui-même son baratin et qu’on lui reconnaît un vrai style Bedos, on lui a finalement demandé d’en faire un livre. Puis deux. Journal d’un mythomane est une compilation des chroniques qu’il a faites à la télévision, chez Giesbert, ou à la radio. Le style est donc assez oral, puisqu’il a été écrit pour ça, et on a l’impression d’entendre Nicolas Bedos nous parler, avec sa diction si reconnaissable. C’est brillant, même si volontairement vulgaire et ignoble, on ne peut que concéder que c’est brillant. Mais rapidement indigeste aussi… Ça ne se lit pas comme un roman, il ne faut pas oublier que ces chroniques télévisuelles ou radiophoniques étaient chaque fois espacées d’une semaine. C’est plutôt le genre de livre qu’il faut picorer de temps en temps et ne pas lire d’une traite sous peine de devenir fou et de se retrouver avec un cerveau qui imite la voix de Nicolas Bedos pour toujours. On ne souhaite ça à personne.

Dans sa chronique, tous les vendredis, Nicolas Bedos raconte sa semaine mythomane. En règle générale, il se base sur un thème d’actualité ou un invité de l’émission et se tricote une existence autour. Il y a beaucoup de politique, beaucoup de femmes aimées et trompées et larguées, beaucoup d’alcool et beaucoup de Lexomil aussi. Beau gosse mondain, bobo, tête à claque, homme à femmes, chroniqueur ET névropathe certifié.

C’est intéressant, puisque les deux livres retracent les années 2010 à 2012, semaine après semaine. On se souvient de l’actualité brulante du moment et Nicolas Bedos réussit le pari risqué de donner son avis dans ce qui ressemble plus à une œuvre littéraire qu’un billet d’humeur. Il en rajoute, l’air de vouloir être détesté mais d’au moins savoir pourquoi, pour l’avoir cherché lui-même. Il n’empêche que c’est très bien écrit. Dans le premier tome, on trouve d’ailleurs à la fin des nouvelles rédigées par l’auteur, et c’est vraiment bon.

Voir article.

Monsieur & Madame Adelman 

Après le théâtre et après s’être essayé doucement au cinéma en tant qu’acteur, Nicolas Bedos sort cette année son premier film en tant que réalisateur. Et c’est un chef-d’œuvre ! C’est l’histoire peu banale d’un couple peu banal (pour ne pas dire carrément déjanté) qu’il incarne à l’écran avec Doria Tillier, ex miss météo à Canal + et sa compagne dans la vie, à l’époque du film du moins.

C’est d’abord l’histoire de Victor, jeune homme un peu paumé qui tente de devenir écrivain, sans grand talent ni succès. Puis il rencontre Sarah, un soir, et aussitôt elle sait que ce sera lui. Il est un peu moins convaincu au début. On pourrait résumer ce qu’il pense par un extrait de chronique qu’on retrouve dans le Journal d’un mythomane volume II :

« Une rencontre assez forte pour que je cesse de mâchouiller le souvenir de Pom [son ex, dont il parle beaucoup dans ses chroniques de l’époque]. Enfin une digne successeuse : de l’esprit dans sa beauté, de la beauté dans sa folie. Seulement, si nos corps se comprennent, nos rêves de vie s’engueulent déjà. Hier, elle a traumatisé la déco de mon salon, a continué à me parler pendant que je peinais à composer ces lignes, a jeté mes cartouches de tabac, a évoqué l’achat d’un chat, puis d’un chien d’une marque que je n’aime pas, avant de me réveiller à l’aube pour un vulgaire caprice d’amour. »

Mais c’est elle qui a raison, finalement. C’est donc l’histoire de leur histoire, de la rencontre à la mort, en passant par toutes les étapes de la vie qu’ils franchissent de manière encore moins que non conventionnelle. C’est vraiment bien, le film est rythmé, drôle, émouvant, surprenant et inspirant aussi. On a peine à croire que c’est un premier essai pour Bedos, et je pense que c’est aujourd’hui l’un de mes films préférés, c’est dire !


 

A voir aussi : L’amour dure trois ans (acteur), Les Infidèles (scénariste), Populaire (acteur), Amour & turbulences (acteur et dialogues), L’art de la fugue (acteur), Encore heureux (co-scénariste), L’Invitation (acteur, dialogues et adaptation).

A lire aussi : La tête ailleurs (ed. robert Laffont, 2013).