Deux livres

L’Etranger (Albert Camus)

Livre intéressant et particulier dont on ne présente plus l’auteur, aussi très connu pour son ouvrage La Peste. Le style est bref et simple, avec des phrases très courtes, presque enfantines. On découvre le personnage principal, Meursault, alors qu’il vient de perdre sa mère (« aujourd’hui, maman est morte »). On en apprend ensuite un peu plus sur sa vie, très simple, et sa façon de voir les choses, très simple aussi. Le narrateur n’est ni particulièrement attachant, ni vraiment antipathique. Il mène simplement sa vie sans débauche d’émotions et sans trop se poser de questions. Tout glisse sur lui. Puis arrive le drame dans cette existence modeste, et on accompagne Meursault à travers lui. Ça fait réfléchir, on a envie de le défendre puisqu’on a l’impression de le connaître, avant de se rendre compte que finalement pas tant que ça. Ce livre montre comment le plus insignifiant, le plus transparent, le plus inoffensif peut soudain prendre une dimension énorme inimaginable dix pages plus tôt. Intéressant à lire, ça fait réfléchir.

 

Partouz (Yann Moix)

J’avais déjà lu Anissa Corto du même auteur, et je dois dire que j’avais préféré. Partouz parle, si on schématise rapidement, du 11 septembre 2001TM, du terroriste qui était dans l’avion et de son non-amour de jeunesse (ou son amour unilatéral de jeunesse), et du narrateur qui découvre une boîte échangiste. Ce dernier est écrivain, un peu dérangé et s’appelle Jean-Baptiste Cousseau, alias Couscous (comme dans Podium, film sur le sosie de Claude François, réalisé par Yann Moix). Il profite donc de cette partouze pour rembobiner son expérience avec les femmes, qu’elles soient tangibles ou fantasmées (et plutôt fantasmées que tangibles). Tout transpire quelque chose d’un peu malsain, jusque dans le vocabulaire très cru choisi, répété et martelé par l’auteur. Il y a aussi énormément de réflexions affreuses sur les femmes exposées dans ce livre, et même si c’est un roman, une histoire, ça reste extrêmement désagréable à lire. Malgré tous ces aspects très dérangeants, Yann Moix écrit toujours comme Yann Moix et il a toujours un traitement des sujets évoqués très intéressant. En bref, j’adore toujours les réflexions et détournements de l’auteur, qui présente les choses à travers un prisme nouveau et passionnant chaque fois, mais ni le thème, ni la façon de le traiter, ni l’écriture volontairement très vulgaire ne sont trop faits pour moi. Je n’irais pas jusqu’à déconseiller ce livre, il est quand même intéressant, mais je ne le conseille pas non plus particulièrement.

Le Dieu des Petits Riens

Le Dieu des Petits Riens (The God of Small Things), roman considéré comme semi-autobiographique, écrit par Arundhati Roy et publié en 1997. Traduction de l’anglais par Claude Demanuelli. Il reçoit le prix Booker, toujours en 1997.

Au bout de quelques dizaines de pages à peine, je savais que ce serait un de mes livres préférés. Au début pourtant, je n’avais pas très envie de le lire. En réalité, l’histoire n’a rien à voir avec ce à quoi on pourrait s’attendre. Il ne faut pas trop se poser de questions ni se fier à ce qu’on pense être le thème ou l’idée générale du livre. C’est vraiment un chef-d’œuvre, une histoire à la fois jolie et terrible, racontée avec beaucoup de douceur.

Le Dieu des Petits Riens raconte l’histoire de plusieurs drames. En apparence surtout trois grandes catastrophes, mais en réalité bien plus que ça. Arundhati Roy dépeint sans discrimination les gros drames et les petits drames du quotidien à travers les yeux et les mots d’une paire d’enfants, deux jeunes jumeaux. Un garçon et une fille qui vivent avec leur famille décomposée dans une petite ville d’Inde, ont des préoccupations et des désirs d’enfants, mais se retrouvent confrontés à des histoires d’adultes, des histoires qui finissent parfois mal. C’est extrêmement bien écrit. Une même phrase nous déroule à la fois l’histoire comme elle est vécue par un enfant et ce qu’un adulte y voit. On comprend qu’ils ne comprennent pas tout, tout en sachant parfaitement ce qui se passe. Le récit fait des bonds dans le temps, entre présent et passé, entre contexte, dérapage et conséquences, sans jamais nous perdre ou nous lasser. Difficile de donner une idée du style d’écriture, il faut le lire pour comprendre et voir combien c’est excellent.

C’est très beau et émouvant, et plus encore quand on découvre qu’une grande partie du livre est autobiographique. On ne sait pas jusqu’où. C’est la seule « fiction » écrite par Arundhati Roy, après ce roman, elle n’a plus publié que des essais ou des articles. Le Dieu des Petits Riens n’est d’ailleurs pas qu’un joli roman et permet à l’auteure de décrire la situation de l’Inde et de dénoncer, l’air de rien, le système des castes, en faisant d’un intouchable un personnage prépondérant, si ce n’est le véritable personnage principal de l’histoire. En conclusion, il faut vraiment lire ce récit. Ce n’est pas une belle histoire, mais c’est un livre magnifique.